Dossiers : comprendre les orages
INSTABILITE ATMOSPHERIQUE
ET CONVECTION
L'instabilité atmosphérique, et les phénomènes de convection qui en découlent, sont à la base de la formation de toute cellule orageuse. Cette instabilité répond à un déséquilibre énergétique vertical de l'atmosphère, et engendre sous certaines conditions des mouvements verticaux qui donnent vie à des structures nuageuses individuelles, d'échelle aérologique, que nous nommons cellules convectives. Nous allons dans ce chapitre poser les bases de la compréhension des phénomènes convectifs, qui nous permettrons de mieux appréhender l'agencement et la structure interne des divers types d'orages. Nous nous pencherons ici sur la mise en place d'une convection profonde, indispensable à l'éclosion de cellules orageuses et dépendante de trois principaux paramètres : l'instabilité conditionnelle de flottabilité, l'humidité des basses couches ou des couches moyennes, et les forçages.
Introduction
1. Flottabilité

Ce que nous nommons instabilité atmosphérique, et ce contrairement à l'idée que s'en fait la population générale, n'est absolument pas synonyme de variabilité atmosphérique, ni du sens que nous pourrions prêter à la mention "Variable" de nos bons vieux baromètres anéroïdes, mais signifie instable sur le plan de la flottabilité. La flottabilité, synonyme de poussée d'Archimède lorsqu'elle est positive, est la force s'appliquant sur une particule baignant dans un fluide. C'est cette force qui permet, par exemple, à un sous-marin de plonger ou de refaire surface, à un navire de flotter, ou à une mongolfière de s'élever dans les airs ou d'atterrir. Appliquée au fluide atmosphérique, par convention, la flottabilité est dite positive lorsque le vecteur force est dirigé vers le haut, et négative lorsque ce vecteur est dirigé vers le bas.

2. Instabilité

Un système mécanique est dit stable, en simplifiant à outrance, si après avoir subi un apport d'énergie extérieure, il retrouve ou tend à garder son état ou sa position initiale, par exemple tel un livre posé à plat sur une table. Un système mécanique est dit instable, au contraire, si après avoir subi cet apport d'énergie extérieure, il tend à s'éloigner et à poursuivre son éloignement par rapport à sa position initiale, par exemple, tel un livre posé sur sa tranche sur une table. Rapportée à l'air atmosphérique, une particule stable déplacée par une force extérieure aura tendance à conserver ou retrouver sa position initiale, tandis qu'une particule instable déplacée sous l'action d'une même force extérieure poursuivra ce nouveau mouvement en s'éloigant de sa position initiale. Au delà du caractère abstrait de cette précédente définition, nous verrons plus loin ce que cette instabilité implique en terme de convection.

3. Radiosondages

Le déséquilibre énergétique vertical peut être facilement évalué en sondant l'atmosphère. Les sociétés météorologiques effectuent en effet des radiosondages quotidiens, en envoyant en altitude, suspendus à un ballon, divers instruments de mesure (thermomètre, hygromètre, baromètre, la vitesse et la direction des vents étant estimées par le mouvement du ballon-sonde). L'ensemble des données collectées au fur et à mesure de la progression verticale du ballon-sonde est regroupé sur un graphique portant le nom d'émagramme. Malheureusement, le nombre de radiosondages quotidiens est très limité en France, tant sur le plan temporel (parfois 2 sondages par jour au maximum) que spatial (parfois sur 5 sites en métropole). Ce manque de résolution est sans conteste une tare, excessivement lourde, pour la compréhension des orages français, car il ne permet pas de couvrir la grande majorité des événements, les conditions atmosphériques locales variant plus ou moins rapidement dans le temps. La compréhension des orages, et même leur prévision, n'étant absolument pas la priorité en France, excepté pour le courageux et valeureux observatoire Keraunos, il est fort probable que ces sondages en resteront à cette limite ridicule, là où au contraire les chercheurs américains pourchassent les systèmes convectifs et sondent l'atmosphère au pied des cellules orageuses.

Illustrons à présent nos précédents propos à partir d'exemples idéalisés de radiosondages atmosphériques.

Instabilité de flottabilité
1. Adiabatique sèche

Une particule d'air sec qui s'élève à partir du sol et prend progressivement de l'altitude se détend et se refroidit alors d'environ 1°C tous les 100 mètres, conformément à la loi des gaz parfaits. Cette transformation physique porte le nom de transformation adiabatique sèche. Appliqué à notre particule d'air qui s'élève, l'adjectif adiabatique signifie qu'il n'y a pas d'échange d'énergie entre cette particule d'air et l'atmosphère environnante, ce qui est probablement le cas en matière de convection atmosphérique, en tout cas ce qui est admis. Deux situations de profil atmosphérique s'offrent alors à nous.

Dans un premier cas, figure 1, si la température de la particule sèche qui s'élève, ou adiabatique sèche (courbe noire pointillée), est toujours inférieure à la température de l'air environnant, ou température d'état (courbe noire pleine), alors la flottabilité est négative. En effet, une particule d'air plus froide que son environnement est plus dense, et donc plus lourde. Cette particule ne peut pas s'élever sous l'effet de la force de flottabilité négative : nous parlons de stabilité absolue. Si une telle particule se trouvait à une altitude quelconque au dessus du sol, elle subirait une accélération vers le bas et à ce titre perdrait son altitude.
Figure 1
Source : SMAS MAION Mathieu
Figure 2
Source : SMAS MAION Mathieu
Dans un second cas, figure 2, si la température de la particule sèche qui s'élève est toujours supérieure à la température de l'air environnante, alors la flottabilité est positive. En effet, une particule d'air plus chaude que son environnement est moins dense, et donc plus legère. Cette particule ne peut donc pas rester immobile, elle s'élève sous l'effet de la force de flottabilité : nous parlons d'instabilité absolue.
Même si la convection sèche précédemment illustrée existe réellement, mais confinée à la couche limite atmosphérique (utilisée par exemple par les rapaces, les planeurs ou les parapentes), d'un point de vue général, les situations d'instabilité ou de stabilité absolues n'existent pas dans l'atmosphère. En effet, ces précédentes notions étaient vraies pour des particules d'air sèche, or l'air atmosphérique n'est jamais sec. Voyons à présent en quoi la présence de vapeur d'eau modifie ces conditions de flottabilité.
2. Adiabatique saturée

Lorsque nous nous intéressons à l'ensemble de la troposphère et à la formation des orages, il n'est finalement jamais question de stabilité absolue, ou d'instabilité absolue, mais il s'agit d'instabilité conditionnelle, en raison de la présence ubiquitaire d'une certaine quantité de vapeur d'eau. Comme nous allons l'illustrer dans ce paragraphe, ce sont les changements d'état de l'eau atmosphérique qui conditionnent les phénomènes convectifs. Les principes de base de la thermodynamique de l'eau seront décrits un peu plus loin, au deuxième chapitre.

Observons le profil atmosphérique sur la figure 3. La courbe d'état représente de façon excessivement simplifiée la situation la plus couramment observée par les ballon-sondes. La température décroit avec l'altitude jusqu'au niveau de la tropopause, limite entre la troposphère et la stratosphère qui la surmonte, où elle se stabilise et augmente progressivement.

Prenons une particule d'air humide, non saturée, dans les basses couches, qui s'élève sous l'action d'une force extérieure. Cette particule suit d'abord la courbe adiabatique sèche, avec une température qui décroît approximativement de 1°C tous les 100 mètres.

Figure 3
Source : SMAS MAION Mathieu
Au fur et à mesure que la particule s'élève, se détend et donc se refroidit, l'humidité relative de la particule augmente, car comme nous le verrons plus loin, plus l'air est froid, moins il peut contenir de vapeur d'eau. L'air atteint bientôt une température critique (la température de son point de rosée) à laquelle il est saturé en humidité, c'est-à-dire qu'il ne peut plus contenir davantage de vapeur d'eau. Continuant à s'élever sous l'effet de cette force extérieure, il ne peut plus contenir son eau sous forme gazeuse, la vapeur d'eau se condense donc et forme des gouttelettes liquides, se matérialisant à nos yeux sous la forme d'un nuage.

Lors de leur changement d'état, en passant de l'état de gaz à l'état de liquide, les molécules d'eau libèrent de l'énergie thermique, que nous nommons chaleur latente de condensation, ou plus exactement enthalpie de condensation. Il s'agit tout simplement de la restitution de l'énergie qu'il a fallu apporter à cette quantité d'eau liquide pour qu'elle se vaporise. Dès lors que cette condensation a lieu, la particule d'air cesse de suivre la courbe adiabatique sèche, car son refroidissement n'est plus qu'approximativement de 0,5°C tous les 100 mètres, grâce à cette libération d'énergie thermique. La température de la particule suit alors une courbe moins raide, dite adiabatique saturée (ou adiabatique humide), ou encore pseudo-adiabatique si l'on émet la supposition que l'eau condensée est instantanément évacuée de la particule par précipitation (et donc que l'énergie libérée se transmet exclusivement à l'air). La courbe de la transformation adiabatique saturée (sans échange de chaleur avec l'environnement et à masse constante) et de la transformation pseudo-adiabatique (sans échange de chaleur avec l'environnement, mais non à masse constante) peuvent être considérées comme parfaitement superposées et ce quasiment jusqu'à 300 hPa (donc presque jusqu'à la tropopause).

La bulle d'air précédente poursuit encore son ascencion, toujours sous l'influence d'une force extérieure. Son refroidissement étant ralenti par la condensation de la vapeur d'eau qu'il contient, il se refroidit donc moins vite que son environnement et rattrape bientôt la courbe d'état. Au point d'intersection avec cette courbe d'état, la température de la particule qui s'élève devient égale à celle de l'air environnant, puis la dépasse, et nous entrons alors dans un environnement instable. Dès lors, la particule d'air est plus chaude que le reste de l'atmosphère, et poursuit donc, seule et autonome, son ascencion, jusqu'à ce que la courbe adiabatique humide coupe à nouveau la courbe d'état au niveau de la tropopause. A cette nouvelle intersection, nous repassons en zone de stabilité, et l'ascencion de la particule d'air s'arrête contre le plafond infranchissable matérialisant la tropopause.

Lorsque l'atmosphère est stable sur le plan de la flottabilité pour des particules sèches, mais instable pour des particules humides, soit saturées, nous parlons d'instabilité conditionnelle. Ceci constitue le cas le plus courant à l'échelle aérologique.

Sur l'émagramme précédent, le niveau de condensation, c'est-à-dire le point où s'achève la détente adiabatique sèche et où démarre la détente adiabatique humide, correspond visuellement à la base du nuage. Le niveau de convection libre (souvent noté LFC pour Level of Free Convection), situé à la première intersection entre la courbe pseudo-adiabatique et la courbe d'état, correspond au niveau à partir duquel la convection s'auto-entretient sans nécessiter l'action d'une autre force que celle de sa propre flottabilité. A partir de ce niveau, le nuage évolue de façon autonome sur le plan de son ascencion verticale. Si le profil atmosphérique est favorable, la courbe d'état reste sous la courbe adiabatique saturée jusqu'à la tropopause, et les mouvements convectifs concernent l'entière troposphère : la convection est dite profonde, le premier paramètre d'éclosion d'orages est en place. La particule qui progresse atteint bientôt le niveau d'équilibre thermique, ou niveau de flottabilité neutre (souvent noté LNB pour Level of Neutral Buoyancy), situé à la dernière intersection entre la courbe adiabatique saturée et la courbe d'état, correspondant au plafond que le nuage ne peut pas franchir, car subissant une flottabilité négative. C'est ici le niveau auquel le sommet des cumulonimbus s'étale en prenant alors la forme très caractéristique d'une enclume.

Sur le terrain, visuellement, lorsqu'une particule d'air qui s'élève atteint son niveau de condensation, un cumulus fractus apparaît, constitué de lambeaux nuageux à l'allure déchiquetée. La partie visible d'un nuage n'est donc pas constituée de vapeur d'eau, invisible à notre oeil, mais d'eau liquide sous forme de gouttelettes. Au fur et à mesure que les gouttelettes d'eau se condensent, se rassemblent, et remplissent le nuage, celui-ci devient plus consistant et atteint bientôt le stade de cumulus humilis, ressemblant à de petits moutons d'environ 1 km d'épaisseur et dont la base, matérialisant le niveau de condensation, est bien visible et homogène. Si l'instabilité est suffisante et que l'humidité de la particule le permet, le nuage continue de croître, atteint 3 à 4 km d'épaisseur et devient cumulus mediocris. Dans les situations où une convection profonde est possible, le nuage évolue encore et s'étend verticalement jusqu'à atteindre et dépasser 6 km d'épaisseur avec le stade de cumulus congestus. Le sommet du nuage, s'il poursuit son ascencion, va bientôt parvenir à une altitude où il subit une glaciation, c'est-à-dire que son sommet se compose majoritairement de cristaux de glace, et devient alors cumulonimbus calvus, avec une épaisseur de 7 à 12 km sous nos latitudes. Enfin, lorsque la particule d'air atteint le niveau d'équilibre thermique, l'ascendance s'y étale et donne au cumulonimbus capillatus sa forme caractéristique d'enclume.

Cumulus fractus
En milieu d'après-midi du lundi, 22 août 2011, une bulle d'air chaud s'élève sous l'effet du réchauffement des basses couches par un ensoleillement estival. Dès lors que les particules d'air qui s'élèvent atteignent leur niveau de condensation, des gouttelettes d'eau apparaissent et se concentrent pour former des amas nuageux déchiquetés, générant progressivement un cumulus fractus, premier stade des nuages convectifs dénommés nuages cumuliformes.
Photographie : D 300 MAION Mathieu
Cumulus humilis
Au fur et à mesure que la masse nuageuse prend de l'ampleur, les lambeaux du cumulus fractus fusionnent et commencent à laisser entrevoir une base plate matérialisant le niveau de condensation. Le nuage enfle progressivement et prend l'apparence d'un petit mouton, comme en cette journée du 23 juin 2013, où les basses couches réchauffées par le soleil s'élèvent en bulles nombreuses et donnent vie à des cumulus humilis.
Photographie : D 300 MAION Mathieu
Cumulus mediocris
Si l'humidité et l'instabilité le permettent, comme en début d'après-midi du 6 juin 2013, les cumulus humilis enflent et poursuivent leur extension verticale, et donnent naissance à des cumulus mediocris.
Photographie : D 300 MAION Mathieu
Cumulus congestus
La convection s'enclenche en fin d'après-midi du samedi, 30 avril 2011, comme sur ce cliché pris depuis le village de Frauenberg en direction de l'Est à 17h18 locales. Sous l'impulsion de forçages bien organisés, les basses couches sont amenées à leur niveau de convection libre et les nuages convectifs croissent jusqu'à former un très grand cumulus congestus.
Photographie : D 300 MAION Mathieu
Cumulonimbus capillatus
Le même jour et dans les mêmes conditions que le cliché précédent, 40 minutes plus tard, une convection profonde étant en place, un cumulonimbus est parvenu à se former et sévit sur l'Allemagne. Atteignant le niveau d'équilibre thermique, les ascendances s'y étalent et donnent au cumulonimbus sa forme caractéristique d'enclume.
Photographie : D 300 MAION Mathieu
3. Energie
a. CAPE

A partir des considérations précédentes, il est possible, et primordial sur le plan prévisionnel en ce qui concerne notamment les orages violents, d'estimer le potentiel convectif de l'atmosphère en un point donné du globe terrestre. Il est alors utile d'estimer la vitesse verticale maximale que pourrait atteindre une particule d'air sous l'effet de la force de flottabilité qui s'applique sur elle. Ces mouvements verticaux règnant au sein des nuages et dirigés vers le haut prennent le nom de courants ascendants. D'une manière tout à fait générale, plus ces courants ascendants sont intenses, plus les phénomènes orageux associés sont violents. L'ordre de grandeur de ces courants ascendants est de quelques dizaines de mètres par seconde, sachant qu'ils peuvent atteindre et ponctuellement dépasser les 50 m.s-1 (180 km.h-1) dans certains orages supercullaires.

Examinons les courbes de la figure 4. L'énergie cinétique maximale du courant ascendant peut être estimée en observant l'aire comprise entre la courbe d'état et la courbe pseudo-adiabatique au-dessus du niveau de convection libre (aire rouge sur le schéma). Cette énergie porte le nom de CAPE (pour Convective Available Potential Energy, littéralement : énergie convective potentielle disponible), et donne une indication très intéressante, comme son nom l'indique, sur la capacité de l'atmosphère à développer des mouvements verticaux sous l'effet des forces de flottabilité.
Figure 4
Source : SMAS MAION Mathieu

La CAPE étant directement corrélée à la différence entre la température d'état et la température pseudo-adiabatique de la particule qui s'élève, nous déduisons aisément que plus l'air est froid en altitude d'une part, et plus l'air est chaud et humide dans les basses couches d'autre part, plus l'instabilité de flottabilité est grande, et donc plus la CAPE est élevée. Ainsi tout événement qui apporte de l'air plus froid en altitude ou qui apporte de l'air chaud et humide au niveau du sol, amplifie graduellement l'instabilité atmosphérique et accroît son potentiel convectif.

L'avancée des études des phénomènes orageux et convectifs a fait apparaître plusieurs déclinaisons de la CAPE, qui sont pour certaines utilisées pour caractériser et éventuellement prévoir des phénomènes d'échelle inférieure au cumulonimbus. La MUCAPE (acronyme pour Most Unstable CAPE), décrit l'énergie de la parcelle la plus instable comprise dans les premiers 300 hPa à partir du sol. La SBCAPE (acronyme pour Surface Based CAPE), décrit l'énergie d'une parcelle d'atmosphère à partir du niveau du sol. La HCAPE (acronyme pour Hail CAPE), décrit l'énergie des parcelles des couches moyennes, c'est-à-dire ces même parcelles au sein desquelles les particules de grêle sont produites. La MLCAPE (acronyme pour Mixed Layer CAPE), décrit l'énergie d'une parcelle comprise dans les premiers 100 hPa à partir du sol.

Parlons à présent des situations météorologiques qui influencent cette énergie convective.

b. Advection froide d'altitude

Les advections froides d'altitude se rencontrent principalement lorsqu'une anomalie de basse tropopause pilote un thalweg thermique au-dessus du pays. Ce thalweg s'accompagne d'une advection d'air froid en altitude, et renforce ainsi l'instabilité verticale.

Le 22 juin 2011, figure 5, une anomalie évoluant au Nord des îles britanniques pilote sur la France un thalweg thermique accompagné d'une advection froide dans les couches moyennes, comme sur la carte ci-contre de température et géopotentiel à 500 hPa. Cette advection froide a été responsable d'une déstabilisation accrue de l'atmosphère et de l'éclosion de multiples systèmes orageux sur le sol français sous l'impulsion d'un forçage dynamique.
Figure 5
Source : Météocentre http://meteocentre.com/toulouse/
Il arrive aussi, dans certaines situations, qu'une masse d'air froid s'individualise et s'isole en altitude pour former ce que l'on nomme une goutte froide. Il s'agit, en simplifiant à l'extrême, d'une masse circulaire d'air froid tourbillonnant en altitude, et entouré par de l'air plus chaud. Ces gouttes froides, en renforçant là encore l'instabilité du profil vertical atmosphérique, participent à la genèse d'orages parfois violents.

Figure 6
Source : Météocentre http://meteocentre.com/toulouse/
La carte de température et géopotentiel à 500 hPa du 21 août 2011 à 12:00 hTU, figure 6, témoigne d'une anomalie centrée à l'Ouest du Portugal et isolée en goutte froide. Elle sera responsable à la fois de l'éclosion d'orages sur le Portugal et le Sud-Ouest de l'Espagne, mais aussi de l'advection d'air chaud d'origine tropical dans les basses couches sur la France, alimentant en fin de nuit un système convectif mésoscale.
Le 23 mai 2013, figure 7, pilotée par une anomalie basse de tropopause, une goutte froide glisse depuis la mer du Nord et gagne le Nord de la France. Elle s'accompagne d'une importante advection froide en moyenne troposphère qui parvient à déstabiliser le profil atmosphérique vertical, et à générer un orage tornadique (EF0) sur la commune de Macheren, développé pourtant à partir de basses couches très froides pour la saison. Cette même carte de température et géopotentiel à 500 hPa nous permets encore de constater la présence d'une goutte froide sur la façade Sud_Ouest de l'Italie.
Figure 7
Source : Météocentre http://meteocentre.com/toulouse/
A l'inverse, tout phénomène qui apportera de l'air plus chaud en altitude, va diminuer, voir même bloquer les ascendances convectives.
Figure 8
Source : SMAS MAION Mathieu
Cette situation se voit le plus fréquemment sous l'influence d'une dorsale anticyclonique, qui apporte de l'air chaud et subsident. Nous retrouvons alors, comme sur le tracé ci-dessous, une inversion dans le profil vertical de l'atmosphère, c'est-à-dire une couche d'air où la température augmente brutalement au lieu de décroître. Cette inversion, dans le cas de notre schéma, figure 8, bloque la particule d'air ascendante.

Un exemple concret peut être examiné ici pour illustrer simultanément nos deux précédents propos, en effet en la journée du vendredi, 30 juillet 2010, la façade Est de la France a subi les influences successives d'un thalweg évoluant à l'Est, et d'une dorsale d'altitude progressant par l'Ouest. De ce fait l'atmosphère en Moselle-Est a pu arborer les traits d'une instabilité progressivement anéantie par advection chaude.

Situation synoptique
Le matin du 30 juillet 2010, l'Europe subit les influences simultanées d'un thalweg centré sur l'Allemagne qui poursuit son évacuation vers l'Est de l'Europe, et d'une dorsale qui s'étire depuis l'Atlantique et progresse sur la France par l'Ouest.
Source : Wetterzentrale http://www.wetterzentrale.de
Profil vertical
Le radiosondage atmosphérique réalisé à Idar-Oberstein ce 30 juillet 2010 à 12:00 hTU (14h00 locales) est éloquent. La courbe noire continue représente la courbe d'état, la courbe noire pointillée représente la température pseudoadiabatique, et la courbe bleue continue représente le contenu en humidité (t'w ou température pseudo-adiabatique du thermomètre mouillé).

Nous constatons des basses couches instables et très humides, avec en altitude une inversion par advection chaude et sèche à partir de 650 hPa.

Source : SMAS Selon University of Wyoming
Sur le terrain
Les basses couches sont donc instables, du fait du thalweg thermique et de l'air froid associé dans les couches moyennes, et la convection se déclenche en début d'après-midi, comme sur cette photographie prise depuis le site de la station à 14h07 locales, en direction de l'Est.
Photographie : D 300 MAION Mathieu
De petites enclumes se forment rapidement, mais peu élevées verticalement sous l'effet de l'advection chaude et sèche d'altitude, confirmée par l'inversion à 650 hPa sur le radiosondage précédent. Photographie prise depuis le site de la station, en direction de l'Ouest, à 14h27 locales.
Photographie : D 300 MAION Mathieu
L'instabilité prononcée des basses couches en milieu d'après-midi, d'autant plus volontiers que le soleil les réchauffe efficacement, va générer ce vigoureux courant ascendant, photographié depuis le site de la station à 16h16 locales en direction du Nord-Est, et qui vient heurter brutalement le plafond de l'advection chaude contre lequel il s'étale vigoureusement en formant à nouveau une petite enclume.
Photographie : D 300 MAION Mathieu
L'effet inhibiteur croissant de l'advection chaude qui progresse par l'Ouest n'autorise pas l'éclosion d'orages, ni même averse aucune, mais provoque l'effondrement de toute convection substantielle et ne laisse subsister en fin de journée que de modestes cumulus humilis condamnés à une inéxorable dissipation. Photographie réalisée depuis le site de la station à 19h03 locales, en direction de l'Est.
Photographie : D 300 MAION Mathieu

Dans certaines situations toutefois, à l'inverse du caractère délétère que nous serions tentés de leur attribuer, lorsque ces inversions se limitent aux basses couches de l'atmosphère, telle une forte inhibition convective, elle peut favoriser l'éclosion d'orages particulièrement explosifs et violents. C'est maintenant sur ce phénomène d'inhibition convective que nous allons nous pencher.

c. CIN
Dans la mesure où, dans les situations d'instabilité conditionnelle, l'atmosphère est stable sur le plan de la flottabilité sous le niveau de convection libre, nous devons estimer une autre énergie nommée CIN (pour Convective INhibition, littéralement : inhibition convective), qui correspond à l'énergie qu'il faut apporter à une particule d'air pour vaincre cette force de flottabilité négative, et amener la particule à son niveau de convection libre, afin qu'elle puisse alors libèrer sa CAPE. Cette énergie d'inhibition convective est estimée en observant l'aire comprise entre la courbe d'état et la courbe adiabatique puis pseudo-adiabatique, sous le niveau de convection libre (aire bleue sur le schéma de la figure 4.1). En dépit de son apparence négative sur le plan du déclenchement de la convection, cette inhibition convective peut parfois s'avérer un atout majeur dans la genèse de certains orages violents et de formation explosive.

Dans le cas d'une inversion en basse couche, comme décrite précédemment, en agissant sur ces basses couches tel un couvercle sur une cocotte-minute, cette inhibition convective laisse s'accumuler et s'amplifier de l'énergie au fil de la journée, énergie qui se concentre parfois pendant de longues périodes et qui peut atteindre des valeurs extrêmes, pour être ensuite brutalement libérée lorsqu'une force extérieure finit par surpasser l'inhibition convective, force l'inversion, et amène finalement les particules à leur niveau de convection libre, qu'elles vont alors atteindre dotées d'une très grande énergie potentielle.

Figure 9
Source : SMAS MAION Mathieu
Visuellement, sur le terrain, comme illustré par la figure 9, ce forçage d'inversion se présente alors sous la forme d'une poussée convective unique et explosive, souvent par un ciel bleu radieux, avec d'abord une tourelle convective très fine et très élancée, rappelant l'ouverture de la soupape d'une cocotte-minute, et témoignant d'un courant ascendant particulièrement violent, puis grossissant ensuite rapidement pour finalement engendrer un orage particulièrement puissant, et demeurant souvent unique et isolé. Un tel orage bénéficie alors d'une très abondante alimentation en air instable qui converge dans les basses couches, à partir d'un immense périmètre, vers le forçage d'inversion.

Cloturons enfin le chapitre sur l'instabilité de flottabilité en illustrant brièvement une situation commune en Lorraine.

La figure 10 ci-contre représente l'émagramme issu du radiosondage réalisé à Idar-Oberstein le 23 août 2011 à 18:00 hTU. La CAPE est estimée à 1260 J, et la CIN est estimée à 67 J.

La convection s'enclencha sous l'impulsion de forçages dynamiques sur la Lorraine, et les premières structures orageuses bien agencées ne tardèrent pas à se constituer dans cette ambiance instable, comme en témoigne la photographie ci-dessous, illustrant un orage multicellulaire à protubérances, prise au Nord de Nancy par LE GOVIC Diane, juste après l'échangeur A33/A31, en direction du Nord-Est, c'est à dire selon la même direction que le flux alimentant le clonage des protubérances. Les bouillonnements bien dessinés témoignent d'une forte instabilité et d'un bon contenu en humidité.

Figure 10
Source : SMAS MAION Mathieu
Photographie : BlackBerry LE GOVIC Diane
Humidité

L'humidité des basses couches et des couches moyennes est le deuxième élément primordial, après l'instabilité de flottabilité précédemment décrite, conditionnant la mise en place d'une convection profonde et l'éclosion de systèmes orageux. L'eau mérite ici un paragraphe dédié, tant le rôle qu'elle joue au sein de la météorologie est des plus déterminants.

Le carburant principal des cumulonimbus est l'humidité, à la fois pour constituer sa masse nuageuse sous forme de gouttelettes d'eau principalement, mais surtout pour apporter de l'énergie thermique afin d'entretenir la convection en libérant l'enthalpie de condensation, comme précédemment explicité au paragraphe de la CAPE.

1. L'eau
a. Changement d'état

Comme en témoigne le diagramme de phase ci-dessous, figure 11, les conditions de température et de pression atmosphérique présentes sur notre planète permettent aux molécules d'eau d'exister simultanément sous les 3 principaux états de la matière, à savoir solide, liquide et gazeux. Il est à noter que l'axe des abcisses et celui des ordonnées ne sont pas à l'échelle, pour une meilleure lisibilité.

Figure 11
Source : SMAS MAION Mathieu

Les diverses transformations possibles entre ces états s'accompagnent nécessairement d'une variation d'enthalpie, c'est-à-dire d'échanges d'énergie. Tout le monde sait bien que pour faire bouillir de l'eau, à pression atmosphérique normale, il faut la chauffer, c'est-à-dire lui donner de l'énergie thermique. De la même façon il est connu que pour fabriquer de la glace à partir d'eau liquide, à pression atmosphérique normale, il faut la refroidir, c'est-à-dire lui retirer de l'énergie thermique. Les divers changement d'état sont illustrés sur le schéma ci-après.

Figure 12
Source : SMAS MAION Mathieu
La figure 12 ci-contre représente d'une autre manière les différents changements de phase de l'eau. Du bas du schéma vers le haut, les changements d'état s'accompagnent d'une absorption d'énergie par les molécules d'eau. Au contraire, du haut du schéma vers le bas, les changements d'état s'accompagnent d'une libération d'énergie par les molécules d'eau.

En matière de convection, ces transferts d'énergie résultant des changements de phase des molécules d'eau au sein des nuages convectifs jouent un rôle déterminant, l'énergie thermique passant de l'eau vers l'air de la particule qui la contient, et vice versa, au gré de son évolution au sein des structures nuageuses.

Nous pouvons également déduire de ces considérations que l'eau est donc capable de transporter, à très grande échelle, une certaine quantité d'énergie, parfois colossale, d'un point géographique à un autre, de l'océan jusqu'au continent, des basses couches jusqu'en haute troposphère, énergie qu'elle absorbe ou qu'elle libère, au gré de ses changements de phase.

b. Humidité

Après les changements de phase, l'autre notion fondamentale liée à l'eau est l'humidité. L'humidité de l'air se définit comme la pression partielle de vapeur d'eau présente dans une particule d'air, en d'autres termes la quantité de vapeur d'eau mélangée aux autres gaz atmosphériques. Lorsque nous parlons d'humidité absolue, nous parlons de la masse d'eau présente par volume d'air, exprimée selon le système des unités internationales en kilogramme d'eau par mètre cube d'air (kg.m-3). Mais en météorologie nous utilisons plus volontiers l'humidité relative, exprimée en pourcentage, et déterminant à une température donnée le rapport de la pression partielle de vapeur d'eau sur la pression de vapeur saturante, soit en d'autres termes le rapport entre la quantité d'eau présente par volume d'air, sur la quantité d'eau maximale que ce même volume d'air serait capable d'absorber.

Lorsque l'air est parfaitement sec (ce qui n'est, encore une fois, jamais le cas dans l'atmosphère), il ne contient aucune molécule d'eau, l'humidité absolue est donc de 0,0 kg.m-3, et l'humidité relative est de 0 %. Si cet air se rapproche d'une source d'eau (n'importe quelle étendue d'eau, un étang, un lac, une mer...), son contenu en vapeur d'eau peut alors s'accroître, car l'eau liquide pourra se vaporiser, en dehors de toute ébullition, et se mélanger à cet air sec jusqu'à pression de vapeur saturante (c'est-à-dire jusqu'à ce que la pression partielle de vapeur d'eau atteigne, à une température donnée, sa valeur maximale, en d'autre terme la quantité maximale de vapeur d'eau admissible dans la particule d'air). En aparté, l'eau, comme beaucoup de molécule, est volatile, c'est-à-dire qu'elle est capable de passer de l'état liquide à l'état gazeux sans ébullition. Tout le monde a pu un jour constater qu'un récipient rempli d'eau, et ouvert à l'air libre, présente une diminution progressive du niveau de liquide, par ce mécanisme. Nous parlons alors de vapeur d'eau lorsque les molécules d'eau se trouvent à l'état gazeux à une température et pression inférieures à celles d'ébullition. Par cette évaporation, l'humidité absolue et l'humidité relative, à température constante, augmentent alors progressivement.

La pression partielle de vapeur saturante dépend de la température de l'air, c'est-à-dire que la capacité d'une particule d'air à contenir de la vapeur d'eau dépend de sa température. En effet plus la particule est froide, moins elle peut contenir de vapeur d'eau, et plus elle est chaude, plus elle peut en contenir. Ceci implique que l'humidité relative d'une particule d'atmosphère, notamment lors des transfomations par ascendance adiabatique, peut varier sans modification de l'humidité absolue.

En effet, prenons un volume d'air dont l'humidité relative est de 60 %, correspondant à une humidité absolue de x kg.m-3, et diminuons sa température par un processus adiabatique ascendant. Plus la température va décroître, et plus la pression partielle de vapeur d'eau va se rapprocher de la pression de vapeur saturante, en d'autres termes plus la capacité de la particule d'air à contenir de la vapeur d'eau va se réduire. Ainsi, son humidité relative augmente, passant progressivement de 60 % à 70 %, puis 80 %, puis 90 %, tandis que l'humidité absolue reste constante à x kg.m-3. Lorsque l'humidité relative atteint le seuil de 100 %, l'air est dit saturé car il ne peut pas contenir davantage de vapeur d'eau, c'est-à-dire que la pression partielle de vapeur d'eau atteint la pression de vapeur saturante. Si nous poursuivons alors le refroidissement de notre air, la vapeur d'eau va changer de phase et se condenser (en dehors des phénomènes de sursaturation que nous n'aborderons pas ici). Cette eau, en passant de l'état de gaz à l'état de liquide (ou de solide, dans certaines conditions), libère de l'énergie thermique : l'enthalpie de condensation liquide (ou solide), nommée aussi chaleur latente.

Photographie : D300 MAION Mathieu
La plupart du temps, sur les cartes météorologiques, ce n'est pas l'humidité relative qui est indiquée, mais la température du point de rosée. La rosée consiste en une condensation de la vapeur d'eau sur des objets présents dans une particule d'air qui refroidit jusqu'à température de saturation. Cette température se déduit par un calcul mathématique à partir de l'humidité relative et de la température de la particule d'air étudiée. C'est ce mécanisme de rosée qui dépose d'innombrables perles d'eau sur la végétation en fin de journée et durant les nuits, ou qui mouille la face extérieure d'un verre rempli d'une boisson glacée en plein été. Il est à noter que, contrairement aux phénomènes de saturation par ascendance adiabatique à l'origine de la masse nuageuse, la rosée est issue d'une transformation isobare.

La température du point de rosée représente donc la température à laquelle la vapeur d'eau contenue dans une particule d'air atteint la pression de vapeur saturante, encore une fois, en d'autres termes, la température à laquelle la particule d'air est saturée en vapeur d'eau et à laquelle cette vapeur commencera à condenser. Ainsi, pour caractériser un volume d'air en matière de température et de contenu en eau, nous pouvons donner sa température d'état et la température de son point de rosée : plus la température du point de rosée est proche de la température d'état, et plus son contenu en eau, son humidité relative, est importante.

2. Température pseudo-adiabatique

Comme pour estimer la capacité de l'atmosphère à générer des mouvements verticaux, avec la CAPE sur un plan purement énergétique, il existe des méthodes pour estimer le potentiel thermique et humide des particules d'air. Le plus couramment, nous utilisons pour cela deux paramètres : la température pseudo-adiabatique du thermomètre mouillé t'w d'une part, et la température pseudo-adiabatique potentielle du thermomètre mouillé θ'w d'autre part.

La notion de thermomètre mouillé renvoie à la température donnée par un thermomètre dont le bulbe est maintenu humide : l'évaporation de l'eau autour du bulbe du thermomètre, proportionnellement à l'humidité de l'air environnant, provoque un refroidissement du bulbe de ce thermomètre qui indique alors une température plus basse qu'un thermomètre placé dans un même environnant, mais avec un bulbe sec. Par conséquent, plus l'air est sec, plus la température du thermomètre mouillé est faible, et inversement plus l'air est humide, plus la température du thermomètre mouillé se rapproche de la température d'état.

La température pseudo-adiabatique du thermomètre mouillé t'w est définie comme la température qu'aurait une particule d'air descendue depuis l'altitude de son point de condensation, jusqu'à son altitude initiale, sous l'effet d'une transformation pseudo-adiabatique.

La température pseudo-adiabatique potentielle du thermomètre mouillé θ'w est définie comme la température qu'aurait une particule d'air descendue depuis l'altitude de son point de condensation, jusqu'au niveau de l'isobare 1000 hPa, sous l'effet d'une transformation pseudo-adiabatique.

La transformation pseudo-adiabatique impose que les particules descendantes restent toujours saturées par évaporation.

Figure 13
Source : SMAS MAION Mathieu

La figure 13 précédente illustre les définitions des deux précédentes température. Prenons une particule d'air à 900 hPa, caractérisée par une température d'état au point E (point noir). Cette particule subit une transformation adiabatique sèche (courbe rouge) jusqu'à son niveau de condensation C (point vert). Abaissons ensuite cette particule jusqu'à son altitude initiale à 900 hPa, mais en la maintenant saturée par évaporation, donc en suivant une transormation pseudo-adiabatique (courbe verte pointillée). Le point d'intersection de la courbe pseudo-adiabatique et de l'isobare 900 hPa, premier point bleu, détermine en abscisse la température pseudo-adiabatique du thermomètre mouillé t'w. Si nous poursuivons encore et que nous abaissons cette même particule au niveau de l'isobare 1000 hPa, nous obtenons à l'intersection, second point bleu, la température pseudo-adiabatique potentielle du thermomètre mouillée θ'w.

La température pseudo-adiabatique du thermomètre mouillé t'w est couramment utilisée sur les émagrammes, sous la forme d'une courbe bleue, pour caractériser l'humidité de l'air. La température pseudo-adiabatique potentielle du thermomètre mouillé θ'w est encore plus intéressante pour caractériser l'état thermodynamique d'une particule d'air, car elle est conservée par les particules, qu'il y ait ou non condensation, et indépendamment des effets de la pression et des variations d'enthalpie de l'eau (libération de chaleur latente). C'est d'ailleurs pour cette raison que la température θ'w est toujours privilégiée pour caractériser les particules d'air dès lors qu'elles subiront un processus mettant en jeu une importante libération de chaleur latente. Lorsque nous voulons évaluer l'état thermodynamique des basses couches, dans le cadre de l'évaluation du potentiel orageux d'une masse d'air, nous étudierons donc la température potentielle pseudo-adiabatique du thermomètre mouillé à 1000 hPa et 850 hPa. De façon simplifiée, plus les basses couches seront chaudes et humides, plus les valeurs de θ'w seront élevées, et donc plus le potentiel orageux sera fort. Nous reviendrons avec plus de précision sur cette température potentielle dans le dossier consacré à la cyclogenèse.

Sur un émagramme, l'humidité des différentes couches d'atmosphère est donc représenté par la courbe bleu de température pseudo-adiabatique du thermomètre mouillé t'w. Voyez l'exemple idéalisé d'émagramme ci-dessous.

Figure 14
Photographie : D300 MAION Mathieu
Sur cet émagramme idéalisé, figure 14, la courbe noire représente la température d'état, et la courbe bleue représente la température pseudo-adiabatique du thermomètre mouillé. La colonne d'air colorée à droite des courbes matérialise le contenu en eau de l'atmosphère : plus la couleur bleue est claire, plus l'air est sec, et plus la couleur bleue est foncée, plus l'air est humide.

Dans les basses couches et jusque vers 550 hPa, t'w est proche de la température d'état, par conséquent l'air est très humide.

Une couche d'air très sec est matérialisée entre 550 hPa et 400 hPa, donc la courbe bleue s'éloigne fortement de la courbe d'état.

Nous retrouvons au-dessus de l'air sec précédent une nouvelle couche d'air très humide entre 400 hPa et 350 hPa, et donc la courbe du point de rosée rejoint de nouveau celle d'état.

Enfin, l'air redevient très sec au-dessus de 350 hPa, et par conséquent la température t'w chute de nouveau et entraîne sa courbe correspondante loin de la température d'état.

Le radiosondage atmosphérique réalisé à Idar-Oberstein le 29 juillet 2010 à 18:00 hTU (20h00 locales), figure 15 ci-contre, témoigne, outre d'une instabilité significative, d'une part d'un manque d'humidité relatif dans les basses couches, et d'autre part une couche d'air plutôt sec en moyenne troposphère, comme illustré par la courbe de t'w relativement éloignée de la courbe d'état.
Figure 15
Source : SMAS MAION Mathieu
Sur le terrain
Conformément à cette structure verticale précédente, la convection se déclenche en fin d'après-midi du 29 juillet 2010, mais ne donne pas vie à des structures nuageuses viables, comme sur la photographie ci-contre. Ainsi pouvons-nous observer une forte évaporation dans l'air avoisinant comme en témoigne d'une part les sommets à contours flous et effilochés, et d'autre part la destruction de la masse nuageuse à mi-hauteur.
Photographie : D 300 MAION Mathieu

En pratique, sur le terrain, lorsque les basses couches sont trop sèches et le profil vertical très peu instable, nous pouvons observer des nuages cumuliformes aux contours mal dessinés et vaporeux, de formation lente, dont les sommets sont mous, hésitants et effilochés, avec ça et là des encoches latérales traduisant une forte évaporation dans l'environnement avoisinant, et avec des cumulonimbus aux enclumes molles et fines, et dont finalement la durée de vie sera brève.

Mais lorsque les basses couches sont bien humides et que le profil vertical est très instable, nous observons de gros nuages cumuliformes bien ronds et bouillonnants, de formation rapide, avec des têtes blanches éclatantes bien prononcées et proéminentes, avec des contours bien dessinés et bien nets se détachant bien du bleu des cieux environnants, avec une base homogène solide, avec l'absence de signe visuel d'évaporation, et avec des cumulonimbus arborant des enclumes consistantes et épaisses, présentant souvent une propagation rétrograde, et dont finalement la durée de vie sera plus longue.

Forçages

Les deux considérations précédentes de flottabilité et d'humidité n'expliquent en rien le déclenchement des phénomènes convectifs, et n'expliquent pas, en totalité, le maintien de la convection une fois démarrée. En effet, la CAPE ne peut qu'être comparée à la quantité de poudre contenue dans un explosif : plus le baton de dynamite contient de nitroglycérine, plus l'explosion sera violente. Mais s'il n'y a pas de détonateur, rien ne se passe.

Il est courant dans notre région, en fin de journée en période estivale, au sein d'une atmosphère surchauffée, que les basses couches présentent une instabilité extrêmement forte (MUCAPE > 3500 J.kg-1), et qu'elles soient bien chargées en humidité par un flux de sud-ouest (θ'w > 20°C à 850 hPa), mais que pourtant aucun orage ne voit le jour. Et bien le détonateur manquant porte le nom de forçage. Comme son nom l'indique, il s'agit de forcer l'inhibition convective afin d'amener les particules instables à leur niveau de convection libre. Ce forçage peut s'opérer sous l'impulsion de divers mécanismes, que ce soit par le passage d'un relief, par toute sorte de convergence en basse couche, par des écoulements turbulents dans la couche limite, ou par les ascencions synoptiques liées aux mécanismes baroclines. Les principales sources de forçage sont brièvement décrites ci-après.

Soulèvement orographique

L'orogaphie est le terme consacré à la description des régions montagneuses. L'effet de soulèvement orographique est observé lorsque des reliefs montagneux s'opposent au flux de basses couches atmosphériques, obligeant la masse d'air à s'élever pour franchir les massifs montagneux. Cette élévation des basses couches, lorsqu'elle s'effectue au sein d'une masse d'air chaude et humide en contexte d'instabilité, va amener les particules d'air à leur niveau de convection libre, et peut alors générer un cumulonimbus puis un orage orographique. La plupart du temps, ces orages surprennent par la rapidité de leur éclosion, témoignant d'un mécanisme de forçage et de convergence particulièrement efficace.

Figure 16
Source : SMAS MAION Mathieu

Ce schéma, figure 16, illustre l'effet de soulèvement orographique. Nous observons un flux de basse couche matérialisé par des flèches. Ce flux est chaud et humide. Lorsqu'il s'approche du relief, il est contraint à s'élever. En prenant de l'altitude, il se détend, se refroidit, puis atteint le niveau de condensation à partir duquel il donne naissance à un nuage. Poursuivant son ascension sous l'effet orographique, il atteint bientôt son niveau de convection libre et déclenche une convection profonde dans un environnement propice. En constituant la masse nuageuse, notre flux s'assèche progressivement. En parallèle, il continue de se refroidir en poursuivant son élévation. Après avoir franchi le relief, l'air atteint le versant opposé en étant refroidi et asséché. Il s'écoule le long du versant sous le vent, se comprime et se réchauffe progressivement en atteignant la vallée.

A cet effet orographique s'associent trois principales propriétés. Premièrement, le flux d'air chaud et humide qui se soulève aux pieds des reliefs perd son contenu en eau au cours de la formation du nuage et des précipitations. En dépassant le sommet, et en gagnant le versant opposé, ce flux subit une compression adiabatique et se réchauffe : un vent chaud souffle alors dans la vallée opposée à l'orage, vent que nous nommons Foehn.

Deuxièmement, cet effet orographique est souvent associé à une onde de gravité atmosphérique du côté du versant sous le vent, stationnaire, qui impose à ce flux des oscillations responsables sous certaines conditions de la formation d'Altocumulus lenticularis, sorte d'Altocumulus plats d'apparence immobile ressemblant à une assiette ou à plusieurs assiettes empilées.

Troisièmement, le forçage et l'alimentation instable étant directement engendrés par des massifs montagneux, et donc des points de convergence fixes, les structures orageuses sont stationnaires et se régénèrent sans cesse au-dessus de la même zone géographique. C'est cette propriété qui est à l'origine des épisodes cévennols annuels, particulièrement sévères et redoutés en raison de l'immobilisme des structures convectives qui se régénèrent constamment au dessus de la même région (phénomène que nous nommons propagation rétrograde, ou encore formation arrière), et qui sont alors responsables de très importants débits et cumuls pluviométriques, et de crues éclairs dans les bassins versants.

Convergence de basses couches
Généralités

Ce que nous nommons convergence des vents consiste au déplacement de plusieurs masses d'air les unes vers les autres, comme illustré par la figure 17. Ainsi, dans un même plan de convergence, il existe un excès de masse locale, car plus d'air y entre qu'il n'en sort. Lorsque cette convergence se fait dans un plan horizontal dans les basses couches, elle crée, sous certaines conditions, des mouvements verticaux correspondant en quelque sorte à l'échappement de l'excès local de masse d'air. Si les basses couches sont bien chaudes et humides, et si l'atmosphère est instable, ces mouvements de convergence peuvent amener les particules d'air à leur niveau de convection libre et déclencher ainsi l'éclosion d'un système orageux.

Figure 17
Source : SMAS MAION Mathieu

De plus, cette convergence, lorsqu'elle se maintient et s'autonomise après éclosion d'un orage, est un atout majeur pour la durée de vie du système, qui pourra s'étendre sur plusieurs heures, bénéficiant alors d'une alimentation constante et salutaire en air humide et instable.

Tout phénomène météorologique qui sera capable de générer ou amplifier des phénomènes de convergence dans les basses couches est donc capable de déclencher l'éclosion de systèmes orageux.

Brises

Les brises sont des circulations mésoscales de basses couches qui tirent leur origine de forts contrastes thermiques horizontaux, tels que nous les rencontrons très souvent en raison des énormes différences de transmission thermique de l'énergie radiative solaire par les différents terrains de surface, et des différences d'albedo.

Les circulations de brise ont quasiment toujours un même moteur commun, mis en action sous l'effet d'une importante propriété du fluide atmosphérique : l'ajustement hydrostatique à un chauffage.

Figure 18.1
Figure 18.2
Figure 18.3
Figure 18.4
Source : SMAS Selon MALARDEL Sylvie

Les figures 18 ci-dessus illustrent de façon simple cet ajustement à un chauffage.

La figure 18.1 montre l'état d'une particule d'air à un instant t avant un chauffage, aucune perturbation ne s'y applique, les surfaces isobares (lignes isobares bleues) sont parfaitement horizontales et paralèlles.

Sur la figure 18.2 nous appliquons un chauffage en point de l'air (point rouge).

Le début de l'ajustement de l'atmosphère est illustré sur la figure 18.3, les lignes isobares se courbent vers le haut, sous l'effet de la masse repoussée vers le haut par l'augmentation du volume de la colonne d'air au-dessus du chauffage (selon la loi des gaz parfaits), témoignant d'un maximum de pression sur l'horizontale, et induisant une circulation divergente (flèches vertes horizontales en altitude).

Le vent divergent apparu en altitude va induire une perte de masse atmosphérique dans la colonne d'air où se situe le point de chauffage, d'où la courbure des lignes isobares vers le bas sous le chauffage, illustrée par la figure 18.4. Un minimum de pression apparait en surface sous le point de chauffage, et génère une accélération des flux en basse couche qui circulent sur un mode convergent (flèches vertes horizontales en surface). Une ascendance au centre de la colonne et des subsidences en périphérie du domaine (flèches noires) bouclent la circulation atmosphérique d'ajustement au chauffage.

Figure 19.1
Source : SMAS MAION Mathieu
La brise de mer est sans doute le phénomène de brise le plus connu par la population. Tout le monde sait qu'au bord des mers un vent est pratiquement toujours perceptible, soufflant depuis l'eau vers les terres. Le contraste thermique à l'origine de cette circulation en journée (brise de mer), résulte des propriétés différentes de transmission thermique de l'eau d'une part et du terrain côtier d'autre part : la côte se réchauffe beaucoup plus rapidement que la mer. L'énergie radiative est absorbée par l'eau sur une très grande épaisseur (plusieurs mètres), car l'eau est bien entendu beaucoup plus transparente que la terre.
Par conséquent l'énergie solaire est répartie sur une quantité de matière très grande : les eaux profondes se réchauffent donc très lentement. Au contraire l'énergie radiative est absorbée par la côte sur une très fine épaisseur (quelques millimètres), car le sable ou la terre n'est quasiment pas transparente. Par conséquent l'énergie solaire est répartie sur une quantité de matière très faible : la côte se réchauffe donc très rapidement. Ce phénomène peut d'ailleurs être constaté par n'importe quelle personne qui séjourne sur un plage en plein été : le sable est extrêmement chaud, voir brûlant au point que le contact avec les pieds devient douloureux, mais il suffit alors de gratter une petite pellicule de sable en surface, pour trouver une matière soudain plus froide.

Il résulte donc de cette différence de transmission thermique que l'air situé au-dessus de la mer se réchauffe beaucoup plus lentement que l'air situé au-dessus de la côte. Accessoirement, l'inertie thermique de l'eau est plus grande que l'inertie thermique de l'air. Le mécanisme d'ajustement à un chauffage conduit donc à un écartement des isobares au-dessus de la côte, induisant une circulation divergente en altitude, qui génère, comme présenté précédemment, une circulation fermée. Cette circulation, appelée brise de mer, est illustrée par la figure 19.1. Lorsque le soleil finit par se coucher, et ne surchauffe plus les terres, cette brise de mer pénètre généralement bien plus profondément à l'intérieur des terres, tel un courant de densité.

Une fois le soleil couché, l'atmosphère, la mer et la côte vont émettre vers l'espace de l'énergie thermique sous la forme infra-rouge. Le bilan radiatif négatif va entraîner une baisse de température sur terre beaucoup plus rapide que sur mer. La circulation de brise s'inverse, et le vent souffle de la côte vers la mer, circulation nommée brise de terre, figure 19.2. En raison d'une plus grande stabilité de la couche limite nocturne, la circulation de brise de terre est plus faible que celle de brise de mer.
Figure 19.2
Source : SMAS MAION Mathieu

Il est certain que, avis pour les observateurs, la perception de ces circulations de brise sur le terrain est très dépendante des vents synoptiques, qui peuvent par exemple masquer très facilement les brises de terre en raison de leur moindre intensité.

Figure 20.1
Source : SMAS MAION Mathieu
Par des mécanismes similaires à ceux des brises de mer et de terre, les brises de pente (et de vallée), sont des circulations liées à l'orographie et qui se mettent en place en raison d'un chauffage différentiel entre les pentes montagneuses et les particules d'atmosphères situées à la même altitude.

La brise de pente souffle perpendiculairement à l'axe de la vallée. La brise de vallée (non illustrée par les figures 20), souffle paralèllement à l'axe de la vallée.

En journée, lorsque les rayons solaires atteignent la surface du sol, l'air au contact des pentes exposées au soleil se réchauffe beaucoup plus vite que l'air surplombant la vallée, en raison de la très grande transparence du gaz atmosphérique. Ceci génère des vents ascendants qui s'écoulent le long des pentes et les gravissent sous la forme d'une brise de pente soufflant vers les sommets et portant le nom de vent anabatique. La circulation qui peut ainsi s'établir est illustrée par la figure 20.1. La brise de vallée souffle selon un principe identique, de l'aval vers l'amont.
Après le coucher du soleil, le refroidissement des pentes montagneuses est plus rapide que celui de l'air surplombant la vallée. Comme dans le premier couple brise de mer et brise de terre, la circulation de brise de pente s'inverse. L'air froid au contact des pentes s'écoulent vers la vallée sous la forme d'un vent subsident portant le nom de vent catabatique, figure 20.2. La vallée se remplit progressivement d'air froid, avec pour effet de générer de petites ascendances au-dessus de son axe.

La brise de vallée souffle de l'amont vers l'aval.

Figure 20.2
Source : SMAS MAION Mathieu

Comme pour les brises de mer et de terre, la perception de ces circulations de brise de pente ou de vallée sur le terrain est également fortement dépendante des vents synoptiques.

Figure 21.1
Source : SMAS MAION Mathieu
En plaine, il existe également une multitude de situations pouvant induire des brises, toujours sous l'impulsion des ajustements à un chauffage différentiel. Les situations sont aussi nombreuses que complexes. La figure 21.1 illustre par exemple la circulation qui peut s'établir en pleine journée dans une plaine située entre une forêt d'une part et un cours d'eau d'autre part.
La surface correspondant au cours d'eau, et celle correspondant à l'étendue des forêts, se réchauffent beaucoup plus lentement que la surface de plaine qu'ils délimitent. Comme pour les circulations de brise explicitées plus haut, et l'ajustement atmosphérique au chauffage, il se crée selon le même principe une circulation de brise soufflant du cours d'eau et de la forêt vers la plaine.
Après le coucher du soleil, la plaine se refroidit beaucoup plus vite que la surface du cours d'eau et l'étendue de forêt. La circulation s'inverse, encore une fois, et un vent souffle depuis la plaine vers la forêt et le cours d'eau. Des ascendances se mettent en place au-dessus du cours d'eau et au-dessus des forêts, paralèllement à une subsidence au dessus de l'étendue de plaine.
Figure 21.2
Source : SMAS MAION Mathieu

C'est ce phénomène de brise en plaine qui alimente la croyance populaire selon laquelle « les orages suivent les cours d'eau », croyance très répandue sur l'arrondissement de Sarreguemines au sein de la vallée de la Blies.

Zones frontales

Les situations les plus classiques de déclenchement des orages aux moyennes latitudes, et notamment en France et en période estivale, sont associées à des zones de convergence frontale et pré-frontale que nous allons brièvement illustrer. Tous les fronts sont associés à des zones de convergence accrue, quels qu'ils soient, froids, chauds, occlus, ondulants. Ainsi, si les conditions sont favorables, n'importe lequel de ces fronts est capable de générer des cellules convectives et orageuses. Nous observons ainsi des orages de fronts froids, de fronts chauds, d'occlusion et de fronts ondulants, qui possèdent tous des caractères thermodynamiques propres que nous n'aborderons pas ici en raison de leur compexité. Le principal et le plus typique moteur des dégradations orageuses estivales sur notre pays consiste en la progression d'un front froid par l'Ouest, piloté par une anomalie d'altitude advectant de l'air froid à l'étage moyen, et avec à l'avant de fortes advections chaudes et humides dans les basses couches depuis le Sud.

Figure 22
Source : SMAS MAION Mathieu

Le schéma ci-dessus, figure 22, représente en coupe un front froid avec son environnement pré-frontal. Le front froid est schématisé par la forte ligne noire. Il sépare ainsi de l'air froid et sec évoluant à l'Ouest, et de l'air chaud et humide évoluant à l'Est. La convergence brutale générée par l'arrivée du front froid au sein d'air plus chaud et humide engendre des cumulonimbus (tel celui à gauche sur le schéma) s'étendant le long du front, et pouvant même former sous certaines conditions une ligne de grain (que nous détaillerons dans le chapitre des orages multicellulaires). L'activité pluvieuse est ici schématisée sous une forme rappelant les réflectivités radar : plus la couleur violette est foncée, plus les précipitations sont intenses. Mais plus à l'avant de ce front froid, parfois à plusieurs centaines de kilomètres, la convergence se renforçant progressivement à mesure que le front approche, associée à des ascendances synoptiques, des cumulonimbus parviennent à se former le long d'une ligne de convergence pré-frontale. Tel est le cas du cumulonimbus situé à droite sur notre schéma. Ainsi, dans ce type d'épisode orageux, une première vague d'orages, préfrontaux, précèdent très souvent une seconde vague d'orages frontaux.

Divergence d'altitude

Ce que nous nommons divergence des vents consiste au déplacement centrifuge de plusieurs masses d'air, qui s'éloignent alors les unes des autres hors d'une même zone géographique. Ainsi, dans un même plan de divergence, il existe un déficit de masse locale, car plus d'air y sort qu'il n'en entre. Lorsque cette divergence se fait dans un plan horizontal dans les couches supérieures en haute troposphère, elle crée, sous certaines conditions, des mouvements verticaux correspondant en quelque sorte à une aspiration des couches atmosphériques sous-jacentes. Si les basses couches sont bien chaudes et humides, et si l'atmosphère est instable, cette divergence d'altitude peut donc amener les basses couches à leur niveau de convection libre.

De façon similaire à la convergence, le maintien d'une divergence d'altitude au-dessus d'une même zone géographique soumise à l'éclosion de systèmes orageux sera un atout majeur dans leur pérennité.

La principale source de divergence d'altitude est associée aux rapides de jets. En effet les courants jets, lorsqu'ils sont associés à des anomalies de tourbillon potentiel en altitude, présentent des anomalies de vent zonal qui dans certaines circonstances sont à l'origine d'une accélération des vents de grande échelle, et que l'on nomme rapides de jets. Classiquement, le bas géopotentiel associée à l'anomalie de fort tourbillon au Nord du rapide de jet induit une zone de confluence à l'Ouest de l'anomalie du maximum de vent zonal, et une zone de diffluence à l'Est. Ces zones de convergence et de divergence d'altitude sont également associées à des vitesses verticales. En effet les anomalies de tourbillon précédentes génèrent des vitesses verticales ascendantes en aval du rapide de jet, et subsidentes en amont. Si le rapide de jet est simultanément associé à une anomalie de fort tourbillon potentiel au Nord, et une anomalie de faible tourbillon potentiel au Sud, chacune de ces anomalies va induire deux zones de vitesses verticales. Ainsi l'anomalie de fort tourbillon au Nord génèrera bien une zone de vitesses ascendantes en aval et subsidentes en amont, et l'anomalie de faible tourbillon au Sud génèrera des zones de vitesse de signe opposé, c'est-à-dire de vitesses subsidentes en aval, et de vitesses ascendantes en amont. Ces anomalies de vent zonal renforcent donc la divergence des flux et les ascendances synoptiques sur leur entrée droite (confluence droite) et leur sortie gauche (diffluence gauche). A contrario, ces anomalies inhibent la divergence des flux et les ascendances synoptiques sur leur entrée gauche et leur sortie droite. Donc toute zone géographique située en entrée droite de jet ou en sortie gauche de jet sera soumise à un effet de forçage et de divergence d'altitude accrus, et toute zone géographique située en entrée gauche et sortie droite de jet sera soumise à une absence de forçage d'altitude et une inhibition de divergence d'altitude.

La figure 23.1 ci-dessous illustre de façon extrêmement schématique une situation idéalisée de rapide de jet. Les surfaces bleues représentent un courant-jet communément associé à une zone barocline. Plus la couleur bleue est claire, plus la circulation des vents est rapide. Les isolignes noires représente les valeurs de tourbillon potentiel, ainsi nous distinguons un maximum de tourbillon potentiel au Nord (PV+) et un minimum de tourbillon potentiel au Sud (PV-). Ces anomalies de tourbillon potentiel, étant associée à des anomalies de tropopause, provoquent une accélération du courant-jet formant un rapide de jet, correspondant aux plages de couleurs jaunes et rouges sur la même figure. Ces circulations génèrent alors un maximum d'ascendance synoptique en entrée droite de rapide de jet (Sud-Ouest sur le schéma) et en sortie gauche de rapide de jet (Nord-Est sur le schéma), correspondant aux isolignes rouges qui matérialisent les vitesses ascendantes. Ces circulations génèrent également un maximum de subsidence synoptique en entrée gauche de rapide de jet (Nord-Ouest sur le schéma) et en sortie droite de rapide de jet (Sud-Est sur le schéma), correspondant aux isolignes bleues qui matérialisent les vitesses subsidentes.

Figure 23.1
Source : SMAS MAION Mathieu

Il arrive également dans certaines situations qu'une même zone géographique se situe simultanément en configuration d'entrée droite et sortie gauche de rapide de jet, comme dans le cas d'un dédoublement de courant-jet. Les effets de divergence d'altitude et d'ascendances synoptiques s'additionnent alors, et la zone géographique précédente se trouve soumise à une très forte divergence d'altitude avec une forte accélération verticale ascendante, comme illustrée par la figure 23.2 selon le même principe que la figure précédente.

Figure 23.2
Source : SMAS MAION Mathieu
Dépression mésoscale

Au courant d'une après-midi estivale et fortement ensoleillée, il est fréquent de voir se creuser de petites dépressions de surface au-dessus d'un sol surchauffé, par une mécanique initiale qui n'est pas sans rappeler celle de l'ajustement à un chauffage. Ces dépressions de méso-échelle sont également source de forçage puisqu'elles génèrent des ascendances. Elles seront encore source de convergence, et renforcent le cisaillement vertical comme nous le verrons au chapitre dédié.

L'après-midi du mardi, 12 juillet 2011, alors qu'un thalweg bien actif progressait sur le pays par l'Ouest, une mésodépression s'est creusée au courant de l'après-midi sur le Nord-Est du pays sous l'effet d'un fort ensoleillement estival, comme visible ci-après sur la figure 24 correspondant à l'analyse de surface du MetOffice. Cette dépression de moyenne échelle a ainsi participé à l'éclosion d'une cellule orageuse sur l'Ouest de l'arrondissement de Sarreguemines.

Figure 24
Source : Wetterzentrale http://www.wetterzentrale.de

Ainsi pouvons-nous clore ce premier chapitre dédié à la convection. Instabilité conditionnelle de flottabilité, humidité, et forçages sont donc les 3 paramètres à réunir pour permettre la mise en place d'ascendances convectives et le déclenchement d'une convection profonde. Etudions à présent la deuxième composante de la circulation interne des cellules convectives : les courants subsidents. Voyez le chapitre dédié.