L'analyse satellite en vapeur d'eau nous permet de constater un flux d'air froid et sec particulièrement rapide s'enfonçant à l'arrière de la limite frontale convective à 06h00 UTC.
Le radiosondage atmosphérique effectué à Idar-Oberstein à l'heure exacte où le système convectif balayait l'arrondissement de Sarreguemines, soit 06h00 hTU, témoigne à la fois d'une masse d'air douce saturée en humidité, et d'un fort jet de basse couche bien matérialisé à partir de 900 hPa.
La dépression Eleanor ressère significativement les gradients de pression sur l'Europe de l'Ouest, sans qu'il ne s'agisse toutefois d'une situation exceptionnelle pour la saison, ce qui, s'associant à la composante zonale du vent général, renforce graduellement la vitesse des vents en basses couches ainsi que la convergence des flux.
La convergence des vents en basses couches est particulièrement bien visible sur cette carte pointée en résolution élevée sur la France, avec une forte limite sur la Moselle et le Nord du Bas-Rhin.
A 06h45 locale, le front convectif est en place sur la Lorraine et s'apprête à traverser notre arrondissement.
Il ressort de l'observation des réflectivités radar et de l'imagerie satellite que le système convectif était de type multicellulaire et linéaire. Développé en limite Sud des anomalies circulant très au Nord de la France, ce système avait de ce fait un fort potentiel venteux. Il est parvenu à conserver une structure linéaire plutôt homogène, et stable tout le temps de la traversée de l'arrondissement de Sarreguemines, arborant toutefois un léger renforcement des réflectivités radar au moment de traverser les communes du Sud du canton de Rohrbach-lès-Bitche et surtout du Sud du canton de Bitche.
L'activité électrique a été pratiquement nulle. Elle est fortement suspectée en raison d'un unique impact de foudre enregistré à 07h16 locale sur la commune de Mouterhouse par le réseau de détection Blitzortung, c'est-à-dire dans l'exact intervalle de temps où la ligne de grain traversait la commune, il est donc pratiquement impossible en terme de probabilité qu'il s'agisse d'un artéfact. Par ailleurs, un signalement d'activité orageuse sur l'arrondissement de Sarreguemines a été publié par un internaute sur la carte interactive d'activité orageuse en temps réel de l'observatoire Keraunos.
La trajectoire a été déduite de l'analyse des réflectivités des radar allemands, rediffusées par Kachelmann Wetter. Le système orageux a abordé notre arrondissement par l'Ouest, et s'est propagé selon un axe Ouest-Nord-Ouest Est-Sud-Est. La quasi totalité de l'arrondissement a été concernée par la ligne convective, exception faite des communes situé au Nord du canton de Volmunster (Loutzviller, Schweyen, Rolbing, Waldhouse et Walschbronn).
Il ne semble pas exister de commune ayant été située sur la trajectoire de la ligne convective qui n'ait pas subi des dommages dus au vent. Ceux-ci sont relativement modestes, très ponctuels quoique disséminés, et concernent surtout la végétation, avec des arbres vieillissants et très ponctuellement déracinés ou renversés ça et là. Plus rarement, quelques toitures ont été très partiellement détuilées, et quelques tabliers de volet pvc exposés ont été partiellement arrachés. Un pic de sévérité a été toutefois été constaté sur les communes de Rohrbach-lès-Bitche et de Rahling, ainsi que sur la commune de Mouterhouse, témoignant d'une vitesse des vents plus importante sur le Sud-Ouest de l'arrondissement.
Sur la photographie ci-dessus, publiée par le républicain lorrain, nous distingons la toiture d'un garage, composée de tôles, probablement d'acier galvanisé, soutenues par des chevrons de résineux sur lesquelles elles sont vissées. En dépit du caractère impressionnant reflété par de tels dommages, la vitesse des vents nécessaire pour emporter ce genre de structure n'est pas forcément très élevée. En effet, associant une forte prise au vent et un arrimage léger, selon mon expérience personnelle ce type de couverture est très facilement et très fréquemment arrachée puis emportée par les vents, dès 90 à 100 km.h-1 de vitesse instantanée.
Ces deux autres photographies ci-dessus, également publiées par le républicain lorrain, nous montrent l'arrachement partiel du bardage de la toiture de la caserne des pompiers de Rahling. N'étant pas parvenu à m'y déplacer, je ne peux que me fier à ces deux photographies, lesquelles semblent représenter une toiture plane dont l'étanchéité est assurée par des rouleaux de bitume. A mon sens, ces dommages témoignent davantage d'un assèchement du bitume, de sa rigidifaction, et de son décollement progressif dans le temps, que d'un effet de la violence des vents. L'absence d'autre point de dommage associé sur la commune semble également plaider en cette faveur.
Un point de sévérité particulier a également été observé sur la commune du Mouterhouse. Il apparaît que les vents les plus rapides ont soufflé sur cette commune à partir de 07h15 locale, comme en témoigne la photographie ci-dessus, représentant les dommages infligées à l'église catholique.
Une enquête de terrain, effectuée par mes soins sur place le lendemain, jeudi 4 janvier 2018, à partir de 15h00 locale, m'a permis de dresser la carte de répartition des dégâts suivante, et d'y répérer 11 points ou zones précis de dommages. Les flèches jaunes indiquent l'orientation des débris ou leur déplacement par le vent. La zone s'étend sur un couloir d'approximativement 500 mètres de longueur sur 80 mètres de largeur, à une altitude moyenne de 260 mètres, sur une colline dominant la vallée à l'extrémité Sud du Grand Etang de Mouterhouse, à la source de la Zinsel du Nord.
Durant mon enquête je n'ai pu récupérer aucun témoignage, mais quoiqu'il en soit mon expérience m'a déjà permis de constater à de nombreuses reprises qu'aucun renseignement objectif ne peut être obtenu ni attendu de la part d'une population qui est noyée au milieu des cyclones, des mini-tornades, et autres aberrations abondamment et quotidiennement médiatisées.
En dépit du caractère impressionnant qui peut ressortir de prime abord par l'observation de l'église catholique de Mouterhouse, les seuls dommages imputables au vent sont le renversement de la flèche de charpente. En effet, sous l'effet du vent, le flèche du clocher a basculé sur la toiture de la nef qui n'est pas parvenue à en supporter le poids. Pour cette raison, une partie de la moitié inférieure de la flèche a traversé la toiture de la nef, emportant avec elle une partie de cette toiture, tandis que l'autre moitié est parvenue à reposer sur la portion de toit ayant résister à l'impact
La flèche du clocher était de forme prismatique, dont l'arête du sommet était plus courte que la base, comme visible sur la photographie ci-après. L'une des faces possédant la plus grande surface est hélas exposée à l'Ouest, c'est-à-dire à la fois au vent moyen dominant en général, et à la fois aux rafales descendantes le jour du passage du système convectif.
De surcroît, la base de cette flèche étant rectangulaire, la force résultant de la pression du vent sur la face Ouest (face visible sur la photographie ci-dessus) s'exerce dans la même direction que la largeur de la base, et donne de ce fait le plus grand bras de levier possible au vent sur la flèche du clocher ainsi conçue.
Comme nous pouvons le constater sur la photographie ci-dessus, c'est donc l'assise maçonnée du clocher qui n'a pas résisté à la résultante de la force de pression du vent sur la flèche. Les fortes contraintes mécaniques présentes au moment des rafales ont ainsi conduit à démanteler les pièces de maçonnerie constituant l'arête de la base opposée à la face exposée au vent, lesquelles n'étaient alors plus en mesure de s'opposer au basculement de la flèche toute entière.
Sur l'ensemble de l'aire examinée dans le couloir de dommages, aucun signe de projection, de convergence des débris, de torsion ou d'arrachement significatif n'ont été constaté. La totalité des débris s'aligne dans le sens du flux principal ce matin-là. Soulignons également que le cimetière centré par les zones de dommages 3, 4, 5 et 6 n'a subi aucun dégât particulier.
Nous pouvons donc conclure de l'ensemble de ces observations que les dommages constatés sur l'arrondissement n'ont pas été infligés par une tornade, en dépit du fort cisaillement et du potentiel tornadique significatif présent lors de cet événement, mais par l'action combinée d'une microrafale convective et d'un fort vent zonal.